Lundi 15 Octobre 1997, 16h10.

De retour du boulot dans ma voiture avec au bout des lèvres ma « dernière ? » tige de 8 (cigarette).
Je décide donc d’arrêter de fumer.

Je sais, ça va être dur puisque j’en suis arrivé à consommer un paquet et demi par jour depuis quelques années et qu’une tentative ultérieure lamentablement avortée au bout de 2 jours m’a renseignée sur la difficulté de l’entreprise.
Après quelques secondes de cogitation, une idée s'est imposée : « Tu vas tester ta volonté, tu vas faire ton parcours de 11.6km le long du canal (l’Ourcq) en courant et sans t’arrêter, et si tu y parviens, tu arrêtes de fumer !
Parvenu chez moi, j’ai enfilé un survêtement poussiéreux, j'ai rejoint le point de départ puis me suis élancé.
Après 2 km, j’étais déjà essoufflé.
Au trois quarts du parcours, j’ai cru que je pouvais y rester (et ç’aurait pu), là, je me suis dit : »lorsque tu voudras fumer une clope, souviens-toi de cet instant où, dépassé par des joggeuses ventripotentes et hilares, les genoux demandant à toucher terre, le visage entre un beau violet et un pourpre soutenu, la plante des pieds inhabituellement gonflée par des ampoules qui s'avéreront énormes, le souffle rauque et désespéré, à bout de ressource morale...enfin bien crevé quoi, tu as tenu ton pari, ne pas fumer cette clope en rapport avec ça, ce sera de la rigolade !»

J’ai donc réussi ce pari stupide et inconscient (mais j’en ai tiré une petite fierté personnelle).
Ensuite je me suis servi de la course à pied comme un exutoire.

Donc, je cavalais certains soirs (2 a 5 fois par semaine) pour tenter de me calmer et ne plus être obnubilé par ce "satané" paquet et demi de Galboro Flight journalier que réclamait mon corps.
Je courrai toujours à fond, jusqu'à la nausée parfois.
Je me suis rentré dedans pendant environ 6 mois avant que je ne m'intéresse au comment et au pourquoi de la progression de mes performances.
J'ai la chance d'avoir 2 frères qui pratiquent des sports de fond et d'endurance (course à pied et cyclisme), et j'ai pu m'appuyer sur leurs connaissances et leur bibliothèque pour rectifier des erreurs et planifier un entraînement.
Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que l'on progresse mieux sur le long terme, si l'on ne "crache" pas ces poumons à chaque footing.
J'ai eu du mal à intégrer cette notion d'endurance car comme tout le monde, j'ai tendance à vouloir toujours plus le plus vite possible... donc souvent trop.
Les entraînements se sont enchaînés, première compétition, découverte de distances différentes, sous différentes températures, d'autres lieux, d'autres coureurs, de multiples styles, en bref les joies de la découverte (comme un gamin qui doit ingérer toutes les connaissances de front).
Tenue régulière d'un carnet d'entraînement sur mon ordinateur, et surtout, je me suis intéressé à tous les tests physiques et autres tableaux comparatifs qui étaient sensés me situer sur une échelle de performance et quantifier mon éventuelle progression de manière "mathématique".

Tout ça pour en venir au fait que j'ai la conviction, qu'il n'y a pas de surhommes.
L'entraînement en quelques matières que ce soit (intellectuelle ou physique) développe un potentiel souvent insoupçonné (je me pensais par exemple à jamais incapable de descendre significativement sous la barre des 40' au 10 km et j'ai réalisé 37'00).
Si l'on y ajoute motivation et plaisir, je pense que son effet est largement augmenté.
Bravos aux athlètes olympiques, ils sont admirables d'avoir ainsi offert à leur (s) sports toutes leurs capacités génétiques, psychiques et physiques.
Mais bravo aussi, à tous ceux qui s'investissent de la même manière à leur travail, dans une association, un art..., en bref dans toutes activités qui les passionnent et les poussent à leurs meilleurs.
Je suis persuadé qu'il y a des champions(nes) de lancer de crêpes ayant atteint un niveau à estomaquer un as du 100 mètres ou une star du grand écran.
Bravo à tous ces gens-là, je vous envie... un peu.